Les conditions de travail des interprètes

Afin de parvenir à présenter un spectacle différent chaque semaine, la direction du Théâtre National opte pour le système des pensions, c’est-à-dire qu’elle met sous contrat un peu plus d’une dizaine d’interprètes pour la durée d’une saison complète de manière à constituer une troupe stable et équilibrée. Les artistes sont embauchés selon leur emploi – ce qu’on nommerait aujourd’hui le casting – et sont donc cantonnés aux mêmes types rôles pour chaque production : le premier rôle comique, la jeune première, le vil, le premier rôle dramatique, les seconds rôles, etc. Ceci facilite évidemment la distribution des rôles pour la direction artistique, mais réduit également le travail de définition des personnages, qui était minimal, en raison du temps imparti à cet aspect du jeu,  et à la mémorisation du texte pour les interprètes.

Il n’en demeure pas moins que l’horaire des artistes de l’époque est absolument impensable en  standards d’aujourd’hui. Puisque les spectacles sont donnés tous les jours, généralement deux fois par jour, la troupe doit apprendre et répéter le spectacle suivant en même temps qu’elle en présente un autre. Joseph-Philéas Filion relate à Jean Béraud, critique et historien du théâtre, l’horaire hebdomadaire auquel les artistes se devaient de s'astreindre.

« Il y avait répétition tous les matins, sauf le lundi et le jeudi, et bien souvent le soir, après la représentation. Le matin, à neuf heures il fallait être au théâtre! Et tout le monde y était, on connaissait ce que c'est que la discipline. On jouait tous les après-midis et tous les soirs, sauf le vendredi après-midi. Dimanche soir, à 8 heures, il y avait répétition générale. Le lundi, nous nous occupions des costumes, des décors et accessoires, car nous jouions surtout des pièces d'époque. Ainsi, le mardi, il y avait répétition de 9h30 à 12h30, représentation l'après-midi et le soir, puis répétition de nuit; le mercredi, mise en scène; le jeudi matin, repos; le vendredi matin, répétition au souffleur; le samedi matin, répétition puis le dimanche soir la générale. Le nouveau spectacle commençait toujours le lundi soir. »